Nous partageons les légumes nouveaux – carottes et navets, menthe des fossés. La maisonnette est plongée dans le gris et nous sommes au chaud dans nos pulls. Je mesure la chance que j’ai de pouvoir passer mes journées à lire, écrire, marcher. Le temps, il en manque à l’amie venue me rendre visite. Ainsi, résistant, pourtant, et grappillant des jours ou des heures par ci, par là.
Nous partageons le fromage de chèvre, et je me souviens des mots de l’éleveur, la sortie des animaux le matin, la rentrée à 16 h, la traite de 17h. Je me souviens de son visage fatigué. De l’effort que ça semblait être de sourire en rendant la monnaie. Un ou deux fromages, 7 euros dans la caisse, c’est peu.
Nous partageons les dernières poires en dessert. L’amie me montre le carnet qu’elle a réalisé. Des collages, des poèmes manuscrits, jaillissant, sinuant dans l’espace de la page. C’est beau comme peuvent se vivre les poèmes.
Nous parlons d’Hors de soi, de Claire Marin, et de comment la maladie des proches peut nous accompagner dès l’enfance. Nous taisons ce que cette proximité fait de nous.
Ce matin revenir à la lumière en regardant une photo des tourbières du Mougau sous un grand soleil.
Chercher, créer, aimer, sinon rien.
« Ecrire, dis-tu, mais à demi-mots, tout bas, pour qu’entre nous quelque chose soit, quelque chose reste qui, lui, ne mourra pas. Un lien. Une mémoire. Fragile. » Antoine Wauters
